C’était en… janvier 1808, la famille royale du Portugal arrive au Brésil

par camillebarbe

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Chassé par l’invasion napoléonienne, le prince héritier dom João se replie dans sa colonie. L’Amérique portugaise a désormais un empereur. Une situation inédite dans l’histoire.

Automne 1807. Napoléon envahit le Portugal. Pendant cinq ans, le pays s’est efforcé de garder la plus stricte neutralité dans les guerres qui opposent la France à la Grande-Bretagne. Mais les liens commerciaux privilégiés avec l’archipel britannique rendent cette position intenable. En décembre 1806, Napoléon décrète contre l’Angleterre le « blocus continental » et ordonne de fermer les ports portugais au commerce anglais. Le 29 novembre 1807, alors que les troupes françaises sont aux portes de Lisbonne, la reine Marie « la Folle » – qui règne mais ne gouverne plus –, le prince héritier et régent du Portugal, dom João, le gouvernement et quelques grands du royaume embarquent pour le Brésil sous escorte britannique. Quelques 10 000 personnes prennent place sur une vingtaine de navires. Ils atteignent Salvador de Bahia le 24 janvier 1808 et s’installent au mois de mars à Rio de Janeiro, résidence du vice-roi désormais capitale royale. L’accueil est chaleureux, honoré par des fêtes splendides rivalisant de luxe et de magnificence. Dom João est à la fois très ému et impressionné.

En ce qui concerne le Brésil, la colonie accède, de fait, au rang d’État. La présence royale entraîne également de nombreux changements. Dès le 28 janvier 1808, le Portugal renonce à son monopole sur le commerce et la navigation du Brésil. Les ports sont désormais ouverts, permettant l’afflux immédiat de marchandises et la signature de nombreux traités de commerce et d’alliances avec l’Angleterre, en février 1810.

Sur la terre ferme, les activités manufacturières et l’imprimerie sont autorisées. Banque du Brésil, université, écoles de médecine et de chirurgie sont créées. Les Archives et la Bibliothèque royales (Real Biblioteca Portugesa) sont transférées à Rio de Janeiro. L’appareil de l’Etat central est reconstitué, comprenant Trésor royal, Tribunal supérieur de Justice (Desembargo do Paço), Cour d’appel (Casa de Suplicaçao), Intendance générale de police.

Il partit vite et revint tard…

En 1815, malgré le retour de la paix en Europe, dom João ne rapatrie pas la Cour à Lisbonne. En Europe, le roi du Portugal a peu de poids dans le concert international ; en Amérique, il est à la tête d’un puissant empire. Après la mort de la reine Marie, João VI se proclame le 16 décembre 1816 « roi du Portugal, du Brésil et des Algarves ».

A Rio de Janeiro, la ville s’embellit, est réaménagée. Le nombre d’habitants passe de 60 000 à 150 000. Résidences royales, théâtre, observatoire, écoles des sciences, beaux-arts et métiers sont édifiés. Une mission artistique française dirigée par Joaquim Lebreton, ancien secrétaire de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France, est également dépêchée sur les conseils du ministre des Affaires étrangères, le Conde da Barca. La plupart des artistes et artisans, fidèles du régime napoléonien, sont tombés en disgrâce. Parmi eux, Jean-Baptiste Debret – cousin du grand peintre David – est appelé à ordonner la mise en scène des festivités royales et des défilés civiques.

Selon l’historien Oliveira Lima, l’influence des artistes de la mission française à Rio de Janeiro « fut excellente pour estomper la couleur locale qui commençait à devenir très intense, […] la ville avait pris une teinte de cosmopolitisme et était devenue accessible aux influences du dehors, sans que l’autorité royale sombrât toutefois dans ce désordre pittoresque. »

Alors que Rio de Janeiro rayonne, exulte et s’exalte, le Portugal s’assombrit, enclin à une grave crise économique : on lui a retiré ses privilèges commerciaux et son rôle – de taille – d’entrepôt entre le Brésil et l’Europe. Au début du XIXe siècle, la part du Brésil dans les importations coloniales du Portugal dépassaient 80 %. Le pays a le sentiment humiliant d’être devenu à son tour la colonie du Brésil.

Ce sera l’une des causes de la révolution libérale et parlementaire des Cortes en 1820, qui usera de toute sa force pour faire revenir la Cour, imposer au roi une Constitution et revoir complètement le fonctionnement de l’Empire. João VI finira par rentrer à Lisbonne en avril 1821. Il laisse néanmoins son fils aîné au Brésil, dom Pedro, avec le titre de régent. Plusieurs décrets des Cortes ordonneront au prince de quitter le Brésil en décembre 1821. « Je reste » (Fico) sera sa seule réponse. Cette dernière marquera le début d’un conflit qui ne sera résolu qu’avec l’indépendance du Brésil en 1822. Mais ça, c’est encore une autre histoire…

Publié dans Caravela Mag, n°1, février 2015